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Le blogue de Paule Doyon

Discours pour l'écureuil-30

12 Avril 2015 , Rédigé par Paule Doyon Publié dans #roman

Discours pour l'écureuil-30

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Le monde est immensément grand en même temps que mystérieusement petit. Comment expliquer qu'à des milliers de kilomètres de chez soi, on puisse revoir des gens qu’on n’avait pas revus depuis l’enfance? Que d’anciens voisins se retrouvent de nouveau voisins dans un pays étranger? D’où viennent ces coïncidences? Quel réseau invisible nous rattache si étrangement les uns aux autres? Comment peut-on, après une vie éparpillée dans le monde, se retrouver dans un pays différent, au même endroit à la même heure? Quand il aurait suffi d'une fraction de temps ou d'espace pour que ces rencontres n'aient jamais eu lieu...

Toutes ces diableries de la vie, nous demeurent des mystères. Parfois cependant, nous réussissons presque à en élucider quelques-uns. Par exemple, je ne trouvais pas d’explications logiques au malaise que j’ai toujours éprouvé dans la ville de Québec. Bien que je trouve cette ville très belle, je serais incapable d’y vivre. J'éprouve la même aversion étrange pour l'île d'Orléans. Par contre, pour des raisons tout aussi obscures, j'ai aimé l'île aux Coudres au premier coup d’œil... Mais la généalogie étant ces années-ci très à la mode, j'ai comme les autres eu la curiosité de connaître l'ancêtre de ma famille. En découvrant sa vie, j'ai découvert du même coup la source possible de mes aversions jusque-là inexplicables. Mon ancêtre, Simon Savard ( Savard est mon nom, j'ai adopté comme nom de plume le nom de mon mari ) était charron et vivait à Paris avec sa femme et ses six enfants. Un beau jour, voulant, le pauvre, améliorer sa situation, il décida d'émigrer au Canada avec sa famille. Il s’embarqua courageusement sur un navire avec sa femme, ses enfants et quelque cent cinquante personnes qui croyaient toutes, elles aussi, naviguer vers le bonheur.

Sur la Flûte Royale, comme sur L'Aigle d'Or, ce qu'il y avait à manger et à boire était de si piètre qualité que la majorité des passagers tombèrent malades et plusieurs moururent. Mon ancêtre dut regretter de n'avoir pas écouté sa Marie, qui devait bien avoir émis quelques doutes avant le départ, car il fut très malade au cours de la traversée et arriva à Québec dans un piteux état. Peut-être même perdit-il un enfant en mer, puisqu'on ne parle plus par la suite que de cinq enfants. Et c'est à cet homme malade, et citadin que l'on concéda, juste avant l'hiver, une terre en friche à l'île d'Orléans!!!

Ce dut être une expérience terrible. La preuve en est qu'au printemps, si ce n'est pas avant, il déménagea à Québec où il mourut des suites de sa maladie à peine un an après son arrivée au Canada. Sa veuve survécut, épousa un tout jeune homme qui l'aida, un temps en tout cas, à élever ses enfants. L'un des fils de mon malheureux ancêtre fit quatorze enfants dont l’un devint le premier colon de l'île aux Coudres où sa femme donna naissance au premier enfant de l'île. Il semble qu'ils y furent heureux, car ils ne s'éloignèrent plus du comté de Charlevoix où ils vécurent aussi à Baie-Saint-Paul. Et j'aime aussi Baie-Saint-Paul...

Donc, je découvre que la source de mes attirances et de mes aversions se situe peut-être quelque part dans ma chaîne d'ADN…

Mais, merde de cette généalogie! j'ai une amie qui se passionne pour cette science. C'est plus qu'un passe-temps pour elle, c'est une véritable obsession d'arriver à dresser l'arbre généalogique de tous les gens qu'elle côtoie. Elle est devenue très experte. Elle a tout de suite voulu fouiller dans ma généalogie et celle d'Ingram, pour nous offrir la liste de la lignée de nos ancêtres…Déjà qu'Ingram avait participé à la rencontre monstre en Beauce des Doyon et y avait entraîné nos enfants... ouais! La famille d'Ingram s'est même permis d'écrire un livre pour relater les aventures, très originales, de cette famille. Ce qui a impressionné mes enfants au plus haut point.

Aussi, quand j'ai tenté de leur offrir la liste de mes pâles ancêtres, que j'ai voulu leur raconter leur pénible arrivée au Canada... eh bien, aucun effet! Ça ne les regardait pas, paraît-il, ce n'était pas leur nom... Allons donc! Pas modernes ces enfants-là, un seul nom. Comme s'il n'y avait pas ma moitié de chromosomes en eux? Que seul le véloce petit spermatozoïde d'Ingram avait réussi à les faire ce qu'ils sont. Tous mes gènes se sont hérissés comme des poils de chat devant un chien. En un instant, j'ai imaginé mes enfants avec un seul oeil, un seul bras, une seule jambe, des monstres quoi.

***

à suivre...

Livre publié sous le titre de : La vie à petits pas.

acheter: http://www.lulu.com/spotlight/pauledoyon

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